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le chemin de Karachi

Dans le ciel , les rayons du soleil anéantissent les voiles de brouillard. Je déteste le soleil quand il s’arroge le droit d’éclairer la pénombre de mon âme. De cette chambre d’hôpital, je ne vois que le ciel et le clocher de la cathédrale. Je m’imagine les automates de l’horloge astronomique déambuler devant l’homme à la faux. La mort rôde. Elle attend Frank. Frank est-il prêt ? Je n’en sais rien.. Il ne parle plus .Il n’a plus de mots depuis longtemps. Plus de mots à lui en tous cas. Que des mots soufflés par la douleur, par la terreur peut-être. Mais la douleur et la terreur ne se nomment pas. Il faut les deviner dans les phrases courtes et vénimeuses. « allez vous faire foutre !! », « dégage, va !va ! ». Les possédés, ceux dont le corps est envahi par le diable ou par les métastases, n’ont plus droit à la parole. Les tumeurs étouffent leurs mots. .

Frank a les yeux ouverts .Ouverts sur quoi ? Il me regarde. Je veux me plonger dans ce regard , je veux l’imprimer en moi, je veux le poser sur mon mal comme on pose un masque à oxygène sur un rescapé des décombres. Je veux me le dessiner au couteau sur ma peau. Pour le retenir à tout jamais. C’est un regard pas comme les autres, un regard ultime, riche comme un tableau de Grunenwald .il y a là dedans les couleurs lumineuses de nos folies, les couleurs douces de notre tendresse .Il y a aussi les corps recroquevillés sous les coups, les yeux exorbités par l’incompréhension, les visages émaciés, les peaux de ventres comme aspirées par les tripes. L’auto- consommation. Les êtres mangés de l’intérieur. Comme Frank. Il prend peu à peu sa place parmi les créatures figées au pied du tableau d’un Christ crucifié

Les cieux se sont ouverts.

« il faut aller à Karachi, il ne faut pas rester là ». Toujours ces désirs de fuite exprimés avec force. Hier déjà il s’est levé avec vigueur, arrachant les fils qui le reliaient à tous ces liquides en poches, ces utricules mous qui sont à la survie ce que le confetti est au raz de marée. Il voulait partir pour La Wantzenau. D’un pas ferme, il avait propulsé ses 50 kilos vers la porte de son avant dernière demeure. La Wantzenau n’est pas Karachi. Mais si tous les chemins mènent à Rome, pourquoi la Wantzenau ne serait-elle pas sur la route de Karachi. ?

« Il ne faut pas rester là ! » il le répétait, l’œil absent mais le verbe haut.

Le ticket de son voyage et son mal se sont dissous dans sa dernière pinte de morphine

Son last minute l’a emmené ailleurs.

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